POESIE DICTEE PAR JBML


LE PASSANT

 

Oui, toi ! Qui que tu sois, le gueux ou le puissant,

Sur le chemin des ans tu n'es que le passant,

L'éphémère captif d'une changeante forme

Que chaque jour pétrit, que chaque heure transforme.

 

La vie est une étape et tu la quitteras,

Tu ne peux demeurer ; passant, tu passeras.

 

Le siècle même meurt en ajoutant son nombre

Au passé qui bientôt l'enferme dans son ombre.

 

Au grand chêne abattu succède l'arbrisseau

Et l'ancêtre fait place à l'hôte du berceau.

 

Malgré l'évasion des soleils et des mondes

Vrillant l'immensité de leurs rapides rondes

La loi suprême atteint les astres frémissants.

 

Le Destin s'accomplit : vous passerez passants.

 

Mortel ! Écarte-toi des gloires incertaines

Offertes ici-bas aux passions humaines,

Ta fragile grandeur n'est, hélas, bien souvent,

Qu'un vain mot retracé sur un sable mouvant.

 

Que seule la bonté, cette divine flamme,

Illumine ton cœur en élevant ton âme.

 

Aime bien car, vois-tu, l'universel amour

S'inscrit, resplendissant, au front de chaque jour ;

 

Il prodigue la vie et son œuvre féconde

S'affirme en toute chose avec chaque seconde ;

 

Il anime l'esprit aux effluves du sang

Et discipline l'être en créant le passant.

 

Ce passant dont la cendre, au néant appelée,

Se sépare, au tombeau, de son âme exhalée…

 

Cependant que promis à l'immortel émoi

Monte vers la clarté l'impérissable Moi.

 

Jean-Bernard MARY-LAFON

11 mai 1934